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Schismes dans l'islam
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L’islam se présente historiquement comme une communauté religieuse unifiée (Umma) fondée sur l’unicité de Dieu, le message révélé du Coran et la prophétie ultime de Muhammad (ﷺ). Pourtant, dès la mort du Prophète en 632, des divisions profondes émergent, donnant lieu à des schismes durables dont les effets se prolongent jusqu’à aujourd’hui. Ces fractures ne sont pas seulement politiques ou circonstancielles, elles révèlent aussi des visions divergentes de la légitimité religieuse, du pouvoir politique et des principes théologiques (Madelung, 1997).
Cet article explore les grands schismes qui ont structuré l’islam à travers l’histoire, en replaçant ces divisions dans leur contexte historique précis, tout en éclairant leurs conséquences contemporaines.
1. La crise fondatrice : La succession de Muhammad (ﷺ) et la naissance du schisme sunnite-chiite
a) Le contexte de la crise (632)
À la mort du Prophète Muhammad (ﷺ) en 632, aucune indication explicite n’est donnée quant à son successeur politique et spirituel. Ce vide institutionnel ouvre immédiatement une crise aiguë au sein de la communauté naissante des musulmans (Umma) :
Une majorité des compagnons désigne Abû Bakr, proche compagnon du Prophète, comme premier calife lors de l’épisode de la Saqîfa, mettant en avant la compétence, la proximité au Prophète et l’accord consensuel (ijmâ‘) (Kennedy, 2007).
Un autre groupe, minoritaire mais influent, considère que seul ‘Alî ibn Abî Ṭâlib, cousin et gendre du Prophète, était légitime, selon une désignation prophétique explicite rapportée dans la tradition chiite (Madelung, 1997).
b) Conséquences immédiates : rupture entre sunnites et chiites
Cette divergence initialement politique sur la succession se transforme progressivement en schisme théologique et doctrinal :
Les sunnites reconnaissent les quatre premiers califes (Abû Bakr, ‘Umar, ‘Uthmân, ‘Alî) comme « califes bien guidés » (al-khulafâ’ al-râshidûn) et soutiennent la légitimité du consensus communautaire pour désigner le chef politique et religieux (Kennedy, 2007).
Les chiites voient au contraire dans l’imamat une autorité exclusivement divine, transmise uniquement par descendance héréditaire directe via la lignée d’‘Alî et Fâtima (fille du Prophète). L’imam est considéré comme infaillible, inspiré par Dieu et détenteur d’une autorité spirituelle supérieure au califat sunnite (Amir-Moezzi, 2007).
Cette rupture fondatrice entre sunnites et chiites demeure aujourd’hui encore l’une des fractures les plus déterminantes du monde musulman.
2. Le conflit entre ‘Alî et Mu‘âwiya : aggravation du schisme
a) La bataille de Ṣiffîn (657)
Après l’assassinat du calife ‘Uthmân (656), ‘Alî devient calife mais doit rapidement affronter une contestation menée par Mu‘âwiya ibn Abî Sufyân, gouverneur de Syrie et parent d’‘Uthmân. Le conflit culmine dans la bataille de Ṣiffîn (657), qui se solde par un arbitrage politique controversé, considéré par les partisans radicaux d’‘Alî comme une trahison de la légitimité divine (Hinds, 1972).
b) Le massacre de Karbala (680) et l’approfondissement du chiisme
En 680, al-Ḥusayn ibn ‘Alî, fils d’‘Alî et petit-fils du Prophète, est tué avec ses compagnons par les troupes omeyyades à Karbala, en Irak. Cet événement tragique marque le véritable traumatisme fondateur du chiisme, commémoré chaque année lors de l’‘Ashûrâ’ comme symbole éternel de l’injustice subie par la famille du Prophète (Ahl al-Bayt) (Halm, 1991).
À partir de cet événement, les chiites adoptent définitivement une vision religieuse fondée sur le martyre, la souffrance et la résistance à l’injustice politique, accentuant encore leur séparation théologique d’avec le sunnisme.
3. Le kharijisme : un troisième courant radical
a) Origines du kharijisme
À la suite de l’arbitrage controversé de Ṣiffîn, certains partisans radicaux d’‘Alî rejettent à la fois ‘Alî et Mu‘âwiya, estimant qu’ils ont trahi le principe même du jugement divin et la pureté originelle de l’islam. Ces dissidents se retirent alors du champ politique, donnant naissance au mouvement kharijite (« ceux qui sortent ») (Lewicki, 1971).
Les Kharijites adoptent rapidement une posture radicale, prônant un islam égalitaire absolu, un califat strictement basé sur le mérite personnel et la piété, et une tolérance zéro envers ceux jugés pécheurs ou corrompus (Watt, 1973).
b) Héritage kharijite contemporain : l’ibadisme
Le kharijisme originel, très violent et sectaire (assassinat d’‘Alî par un Kharijite en 661), disparaît progressivement. Néanmoins, un courant modéré survit : l’ibadisme, toujours présent aujourd’hui en Oman, et dans certaines régions du Maghreb (Algérie, Tunisie, Libye). L’ibadisme rejette la violence originelle des premiers Kharijites, tout en conservant une théologie et une jurisprudence distinctes à la fois du sunnisme et du chiisme (Lewicki, 1971).
4. Les subdivisions du chiisme : duodécimains, ismaéliens, zaydites
Le chiisme ne demeure pas uni après sa rupture initiale. Dès les premiers siècles de l’islam, plusieurs branches distinctes apparaissent au sein même du chiisme, chacune avec ses propres imams et doctrines spécifiques :
Chiisme duodécimain : majoritaire en Iran, Irak, Liban ; reconnaît une lignée de douze imams, dont le dernier (al-Mahdî) serait entré en occultation et reviendra à la fin des temps (Amir-Moezzi, 2007).
Ismaélisme : branche ésotérique du chiisme, divergeant après le 6ᵉ imam (Ja‘far al-Ṣâdiq). Il a donné naissance au puissant califat fatimide (909–1171) en Égypte médiévale et subsiste aujourd’hui via les communautés Aga Khanis (Daftary, 1990).
Zaydisme : branche modérée surtout présente au Yémen, reconnaissant seulement cinq imams et ne considérant pas l’imam comme infaillible (Madelung, 1965).
5. Divergences doctrinales au sein du sunnisme : les conflits théologiques majeurs
a) Mutazilites vs Traditionalistes : conflit théologique autour de la nature du Coran (IXᵉ siècle)
Au IXᵉ siècle, l’islam sunnite connaît un conflit théologique majeur autour de la doctrine du Coran créé. Les mutazilites, rationalistes influents sous les Abbassides, imposent momentanément l’idée que le Coran est une création de Dieu (donc non éternel) afin de préserver la transcendance divine absolue (Van Ess, 1997).
En réaction, les traditionalistes, avec Ahmad ibn Hanbal (780–855) en figure emblématique, défendent vigoureusement la doctrine du Coran incréé, éternel et révélé directement par Dieu. Après une période de persécutions (la mihna, 833–848), la position traditionaliste triomphe finalement et devient la doctrine officielle du sunnisme classique (Melchert, 1997).
b) Écoles juridiques sunnites : diversité sans rupture
Les écoles juridiques sunnites (madhâhib : hanafite, malékite, chaféite, hanbalite), malgré leurs divergences méthodologiques et doctrinales, ne constituent pas de véritables schismes, car elles reconnaissent mutuellement leur validité. Cependant, elles traduisent des lectures différentes des sources islamiques et créent un paysage juridique pluriel au sein du sunnisme (Hallaq, 2009).
6. Les schismes et conflits internes à l’époque moderne et contemporaine
a) Le courant wahhabite et salafiste : rupture avec le soufisme et l’islam traditionnel (XVIIIᵉ–XXIᵉ siècle)
Au XVIIIᵉ siècle, émerge le wahhabisme, fondé par Muḥammad ibn ‘Abd al-Wahhâb (1703–1792) en Arabie, prônant un retour radical aux pratiques des premières générations de musulmans (salaf). Le wahhabisme rejette violemment le soufisme, les pratiques de piété populaire (culte des saints, mausolées) et toute innovation doctrinale (bid‘a), entraînant une rupture interne majeure (Commins, 2006).
Au XXᵉ siècle, cette doctrine inspire le salafisme contemporain, qui se divise en deux branches distinctes :
Salafisme quietiste, majoritaire en Arabie saoudite, prônant un puritanisme religieux strict mais non violent, souvent allié à l’État saoudien (Lacroix, 2011).
Salafisme djihadiste, minoritaire mais influent médiatiquement, incarné par Al-Qaïda, Daech, et d’autres groupes extrémistes revendiquant l’usage de la violence contre les musulmans jugés apostats, et contre les puissances occidentales (Kepel, 2000).
Cette fracture interne au salafisme contemporain constitue aujourd’hui une source de conflit théologique et politique dans le monde musulman.
b) Réformistes musulmans vs conservateurs : un clivage intellectuel majeur
Au XIXᵉ et XXᵉ siècles, la colonisation et les défis de la modernité provoquent un schisme intellectuel interne profond :
Réformistes modernistes (Jamal al-Dîn al-Afghânî, Muhammad ‘Abduh, Muhammad Iqbal, Fazlur Rahman) prônent une interprétation actualisée du Coran et de la Sunna, défendent l’ouverture de l’ijtihâd (interprétation individuelle raisonnée), la compatibilité entre l’islam, la science et les valeurs démocratiques (Hourani, 1983).
Conservateurs et traditionalistes rejettent ces réformes perçues comme une occidentalisation déguisée de l’islam et appellent à préserver intactes les doctrines et pratiques héritées de la tradition médiévale classique (Brown, 2009).
Ces tensions intellectuelles perdurent aujourd’hui et sont au cœur des débats contemporains sur l’islam dans la modernité.
c) Sunnisme vs Chiisme à l’ère des États-nations : conflit géopolitique et religieux
Depuis la Révolution islamique iranienne en 1979, le chiisme duodécimain prend une dimension politique internationale affirmée, opposée frontalement à l’influence sunnite traditionnelle incarnée par l’Arabie saoudite wahhabite (Nasr, 2006).
Cette tension, exacerbée par des rivalités régionales (Irak, Syrie, Liban, Yémen), ne constitue pas un schisme théologique nouveau, mais réactive un conflit historique sunnite-chiite ancien, le transformant en fracture géopolitique majeure contemporaine (Vali Nasr, 2006).
d) Radicalisations contemporaines : djihadisme et takfîrisme
Enfin, à l’époque contemporaine, une minorité extrêmement radicalisée apparaît : les mouvements djihadistes takfîristes (Daech, Boko Haram, Al-Qaïda), qui s’autorisent à excommunier (takfîr) et combattre violemment les « apostats ».
Selon le politologue Olivier Roy (2016), ces mouvements extrémistes ne constituent pas simplement un excès de religiosité traditionnelle, mais plutôt une forme de « radicalisation déconnectée » de l’islam historique, liée davantage à des fractures sociales et identitaires contemporaines.
Conclusion
Les schismes qui traversent l’histoire islamique, qu’ils soient anciens (sunnites-chiites, kharijites, écoles juridiques), modernes (wahhabisme, salafisme, réformisme) ou contemporains (islamisme radical), sont le reflet naturel d’une communauté religieuse vivante et complexe, confrontée à des défis historiques et intellectuels permanents.
Ces fractures internes, souvent douloureuses, n’ont cependant jamais remis fondamentalement en question l’unité spirituelle profonde de l’islam fondée sur le Coran, l’unicité divine, et la prophétie de Muhammad (ﷺ). Elles témoignent au contraire d’une vitalité intellectuelle, spirituelle et politique exceptionnelle, d’une pluralité assumée, et d’une capacité constante d’adaptation et de renouvellement dans un monde en perpétuelle transformation.
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