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L'islam s'est il répandu par l'épée ?
L’idée que l’islam se serait propagé à coups d’épée et de sang est un lieu commun bien ancré dans l’imaginaire collectif. Pour beaucoup, notamment en Occident, cette religion est encore associée à des images de conquérants à cheval, de sabres brandis, de tributs imposés et de conversions forcées sur fond de soumission. Cette perception, popularisée dès le Moyen Âge par les chroniqueurs chrétiens, a été largement reprise par des auteurs orientalistes européens entre le XVIe et le XIXe siècle. Elle continue de hanter les débats publics aujourd’hui, souvent instrumentalisée dans des discours identitaires ou islamophobes.
Mais qu’en est-il réellement des faits historiques ?
Cette accusation — « l’islam s’est répandu par l’épée » — repose-t-elle sur une réalité documentée, ou bien sur une simplification idéologique ? Est-elle valable pour toutes les régions du monde, tous les siècles, toutes les dynasties ? Et surtout : quelles ont été les dynamiques réelles de conversion à l’islam depuis le VIIe siècle jusqu’à nos jours ?
Ce sujet soulève des enjeux majeurs :
Sur le plan Historique : pour comprendre comment une religion née dans un désert marginal d’Arabie est devenue, en moins d’un siècle, un empire s’étendant de l’Atlantique à l’Indus.
Sur le plan politique : car il interroge la nature des premiers États musulmans et leur relation aux autres religions.
Sur le plan spirituel : en remettant en cause, ou en défendant, l’authenticité des conversions à l’islam.
Et sur le plan contemporain : puisqu’il est encore invoqué dans les débats sur l’islam en Europe, au Moyen-Orient ou en Afrique, entre accusations de prosélytisme et récits de conversion sincère.
Or, la recherche Historique contemporaine, loin des caricatures, nous propose une lecture beaucoup plus nuancée, complexe et passionnante. Oui, il y a eu des conquêtes. Oui, des États musulmans ont imposé leur domination. Mais non, les conversions forcées n’ont pas été la norme, et dans bien des cas, elles ont même été interdites ou découragées par les autorités musulmanes elles-mêmes.
Comme le rappelle Hugh Kennedy, historien à l’université de Londres :
« Il est désormais clair pour les chercheurs que la plupart des conversions à l’islam, à travers les siècles, ont été des processus volontaires, longs, souvent influencés par des raisons sociales, économiques et culturelles. »
(Was Islam Spread by the Sword?, Yale, 2006)
L’historien Richard Bulliet, dans son ouvrage de référence Conversion to Islam in the Medieval Period (Harvard, 1979), a montré qu’il a fallu jusqu’à 300 ans pour que certaines régions conquises deviennent majoritairement musulmanes, ce qui contredit l’idée d’une conversion immédiate par la force.
Mais il ne s’agit pas non plus de tomber dans l’angélisme. À certaines époques, des souverains musulmans ont bel et bien imposé la conversion par contrainte ou intérêt politique : au Cachemire sous Aurangzeb, en Espagne sous les Almohades, ou dans certaines régions d’Afrique sous les jihads peuls du XIXe siècle.
Notre objectif ici est donc clair :
Explorer en profondeur les différentes phases, régions et modalités de l’expansion de l’islam, du temps du Prophète Muhammad (sws) à aujourd’hui.
Présenter les faits historiques fondés sur des sources documentées et des analyses universitaires sérieuses.
Mettre en lumière les contradictions et débats entre chercheurs, entre traditions religieuses et entre régions du monde.
Et, surtout, rendre accessible cette complexité au grand public, sans parti pris, dans un esprit pédagogique.
Cet article vous emmènera ainsi :
Du désert d’Arabie au califat omeyyade,
Des routes commerciales africaines aux ports d’Indonésie,
Des campagnes militaires ottomanes aux conversions spirituelles dans les banlieues européennes.
Loin des slogans, c’est l’histoire réelle des peuples, des croyances et des pouvoirs que nous allons redécouvrir ensemble.
I. Le contexte initial : L’islam au temps du Prophète Muhammad (ﷺ)
1.1. Le message du Coran : une foi librement choisie
L’une des premières sources à consulter pour comprendre la position de l’islam vis-à-vis de la contrainte religieuse est le Coran lui-même. Le verset 2:256 déclare sans ambiguïté (traduction approximative du verset Al Baqara 2:256) « Nulle contrainte en religion. »
Ce verset est fondamental dans la théologie islamique. Il est fréquemment cité pour affirmer que la foi ne peut être imposée par la force mais doit résulter d’une conviction intime. L’exégète classique Ibn Kathir, dans son Tafsîr, explique que ce verset fut révélé en réponse à une demande de forcer un enfant juif à se convertir, et que le Prophète aurait explicitement refusé toute conversion forcée.
De même, le juriste Al-Tabari confirme que ce verset a été interprété très tôt comme une interdiction de contraindre autrui à embrasser l’islam. Dans la pensée classique sunnite, la croyance forcée est invalide, car sans intention sincère (niyya), l’acte n’est pas valable devant Dieu.
Des institutions contemporaines telles que WhyIslam, Oxford Islamic Studies ou Islamonweb rappellent également que ce principe de non-coercition est central, et qu’il contredit toute idée d’expansion par la force de la foi islamique dans ses fondements scripturaires .
1.2. La prédication pacifique à La Mecque : foi sous pression
La mission prophétique de Muhammad (ﷺ) à La Mecque dura environ 13 ans (610–622) avant l'Hégire. Durant cette période, le dernier Prophète de l'islam (ﷺ) prêcha exclusivement par la parole, dans un environnement majoritairement hostile. Il n’y eut aucune guerre ni appel aux armes durant ces 13 années.
Les premiers musulmans furent persécutés, socialement boycottés, torturés (comme Bilal, esclave affranchi), certains tués (comme Sumayyah bint Khayyat, première martyre de l’islam). Malgré cela, Muhammad (ﷺ) interdit à ses partisans de riposter par la violence. L’orientation dominante était la patience (sabr) et la prédication douce (da‘wah), comme en témoigne le verset 88 (Traduction approximative du verset Al Ghashiya 88:21-22)
« Rappelle ! Tu n’es qu’un avertisseur. Tu n’as pas autorité sur eux. »
Cette attitude non-violente est confirmée par les historiens musulmans et non-musulmans. William Montgomery Watt, professeur à l’Université d’Édimbourg, écrit :
« Muhammad à La Mecque ne s’est jamais engagé dans la coercition. Il n’avait ni armée ni pouvoir politique ; son appel était uniquement religieux. »
— Muhammad at Mecca, 1953
Cette phase démontre que le message islamique initial ne s’est jamais appuyé sur la contrainte, ni sur un pouvoir militaire, mais reposait sur la conviction personnelle et la réforme morale.
1.3. Les conflits à Médine : défense, justice et alliances
En 622, le Prophète Muhammad (ﷺ) et ses compagnons émigrent à Médine (Yathrib), fuyant les persécutions. À Médine, Muhammad (ﷺ) devient non seulement chef religieux mais aussi chef politique d’une communauté diverse (musulmans, juifs, païens, quelques chrétiens). C’est là que les premiers conflits armés apparaissent – mais leur nature est importante.
Les batailles majeures
Badr (624) : première grande bataille entre les musulmans de Médine et les Qurayshites de La Mecque. Elle fut défensive : les Mecquois voulaient anéantir la jeune communauté musulmane.
Uhud (625) et Khandaq (627) : menaces renouvelées des Mecquois, attaques coalisées contre Médine. Les musulmans réagirent militairement par légitime défense.
Comme le souligne Fred M. Donner (Université de Chicago) :
« Les premières campagnes militaires musulmanes n'étaient pas des croisades de conversion, mais des réponses stratégiques aux menaces pesant sur la communauté naissante. »
— The Early Islamic Conquests, 1981
Les alliances et pactes
À Médine, Muhammad (ﷺ) mit en place la célèbre "Constitution de Médine" (Sahifat al-Madina), un document considéré comme le premier pacte civique multiconfessionnel de l’islam. Il reconnaissait :
Les tribus juives comme partenaires civiques et alliés militaires.
Le droit de chaque groupe de pratiquer sa religion.
Une responsabilité commune pour la défense de la ville.
Le texte stipule notamment :
« Les juifs (…) sont une communauté avec les croyants. Ils ont leur religion, et les musulmans ont la leur. »
— Sahifat al-Madina, clause 25
Cette alliance fut maintenue tant que les tribus juives respectèrent les clauses du pacte. Les ruptures ultérieures, comme l’exil des Banû Qaynuqâ‘ ou l’exécution des Banû Qurayzah, doivent être comprises dans un contexte de trahison militaire et non de simple refus de conversion, comme le confirment Montgomery Watt ou Tariq Ramadan.
Conclusion intermédiaire : pas de coercition systématique
Ainsi, pendant toute la vie de Muhammad (ﷺ) :
Aucune conversion de masse par la force n’a été entreprise.
La guerre n’a été engagée que dans un cadre défensif ou politique.
La diversité religieuse a été tolérée tant qu’elle respectait la paix civique.
Comme le résume l’islamologue Olivier Hanne :
« Le Prophète n’a jamais imposé l’islam par l’épée. Les premières conquêtes musulmanes n’avaient pas vocation à convertir mais à sécuriser l’espace de la communauté. »
— L'islam, histoire, religion et politique, 2021
II. Expansion de l’islam : conquêtes et conversions
L’islam a connu, dès les décennies qui ont suivi la mort du Prophète Muhammad (ﷺ), une expansion territoriale fulgurante. Mais faut-il confondre cette expansion politique avec une propagation forcée de la foi ? Les travaux des historiens modernes tendent à démontrer que la domination musulmane ne s’est pas accompagnée d’une conversion massive, encore moins d’une conversion généralisée par la force.
2.1. Les conquêtes arabes : domination politique, non religieuse
➤ Un empire bâti en une génération
Entre 632 (mort du Prophète Muhammad ﷺ) et 750, les armées musulmanes s’emparent de territoires allant de la Perse à l’Andalousie, en passant par la Syrie, l’Égypte, l’Irak et l’Afrique du Nord. Sous les califats des Rashidûn (632–661) puis des Omeyyades (661–750), l’islam devient le socle d’un empire politique plus que d’un empire prosélyte.
« Le but des premières conquêtes musulmanes n'était pas la conversion des peuples soumis, mais la soumission politique et fiscale. »
— Fred M. Donner, The Early Islamic Conquests, Princeton University Press, 1981
L’Empire s'étend, mais les peuples conquis ne sont pas forcés d'abjurer leurs croyances. En réalité, comme l'explique l'historien Hugh Kennedy, la conversion n'était ni souhaitée, ni encouragée à grande échelle, car elle entraînait la perte de la jizya, un impôt perçu sur les non-musulmans :
« Il y avait de claires raisons fiscales pour lesquelles les autorités musulmanes n’avaient aucun intérêt à promouvoir activement les conversions. »
— Hugh Kennedy, The Great Arab Conquests, 2007
➤ Exemple : la lente islamisation de la Perse
Prenons le cas de la Perse (Empire sassanide), conquise entre 637 et 651. Malgré la défaite militaire, la population resta majoritairement zoroastrienne pendant plusieurs générations. L’historien Richard Bulliet a analysé des milliers d’actes de conversion conservés dans les sources juridiques (registres de noms, actes notariaux) et a montré que :
« Il a fallu environ 250 ans pour que l’Iran atteigne une majorité musulmane. »
— Richard W. Bulliet, Conversion to Islam in the Medieval Period, Harvard University Press, 1979
Même chose en Égypte ou au Levant, où les chrétiens ont continué à vivre, souvent majoritaires, sous gouvernance musulmane pendant des siècles. En fait, ce sont parfois des conversions sociales ou culturelles, et non spirituelles, qui se produisent — souvent à travers des générations.
2.2. Le système du dhimmi : coexistence réglementée, non persécution
L’un des fondements juridiques de la relation entre musulmans et non-musulmans dans les territoires conquis était le système de la dhimma. Les dhimmis (« protégés » en arabe) — juifs, chrétiens, zoroastriens, et parfois hindous ou sabéens — bénéficiaient du droit de pratiquer leur religion en échange :
du paiement d’un impôt (la jizya),
d’un engagement de loyauté envers le pouvoir musulman,
de restrictions sociales et juridiques (ex. : ne pas construire d’édifices religieux plus hauts que les mosquées, interdiction de porter des armes, etc.).
➤ Une protection encadrée, parfois inégalitaire
Ce système est attesté par des sources nombreuses, comme le pacte du calife Umar avec les chrétiens de Jérusalem en 637, ou encore les traités signés par Khalid ibn al-Walid avec les populations syriennes. Ces documents, conservés dans des chroniques comme celles d'Al-Tabari ou Ibn al-Athir, stipulent clairement :
« Ils [les chrétiens] auront la sécurité pour leurs personnes, leurs biens, leurs églises. […] Il ne sera pas fait de violence à leurs églises, ni de contrainte à leur religion. »
— Pacte d’Umar (rapporté par Al-Tabari, Tarikh al-Rusul wa’l-Muluk)
➤ Une contrainte relative mais peu coercitive
Si les dhimmis étaient soumis à des discriminations juridiques, ils n’étaient pas soumis à une politique d’élimination religieuse. De fait, la diversité religieuse perdure longtemps sous les premiers empires musulmans.
« Dans les siècles qui ont suivi les conquêtes, les musulmans formaient une minorité politique dans des sociétés encore largement chrétiennes, juives ou zoroastriennes. »
— Ira M. Lapidus, A History of Islamic Societies, Cambridge University Press, 2002
L’historien ajoute :
« Il n’y a que très peu de preuves de conversions forcées à l’époque omeyyade et abbasside. La plupart des gens sont devenus musulmans pour des raisons économiques, sociales ou personnelles. »
— Ibid.
2.3. Conversions volontaires, par pragmatisme ou conviction
➤ Un avantage social et fiscal
De nombreux individus ont choisi de se convertir à l’islam non pas sous la menace, mais pour des raisons pratiques : éviter la jizya, accéder à des postes administratifs ou militaires, s'intégrer au groupe dominant.
« Dans l’empire islamique, la conversion permettait d’accéder à des privilèges sociaux et fiscaux. Ce fut souvent un acte rationnel plus qu’un acte mystique. »
— Bernard Lewis, The Arabs in History, 1950
Mais cela ne signifie pas que toutes les conversions furent opportunistes. Pour beaucoup, l’islam offrait une spiritualité nouvelle, une communauté transnationale (umma), et une promesse d’égalité religieuse :
« Il n’y a ni supériorité de l’Arabe sur le non-Arabe, ni du blanc sur le noir… si ce n’est par la piété. »
— Hadith du Prophète (rapporté par Ahmad ibn Hanbal)
2.4. Exceptions et épisodes de contrainte
Bien que la norme ait été la tolérance relative, il existe des cas documentés de conversions forcées ou fortement encouragées par pression politique ou militaire :
Les Almohades (XIIe siècle, Maghreb et Espagne) : imposèrent des conversions forcées aux juifs et aux chrétiens, abolissant le statut de dhimmi.
Certains souverains indiens musulmans, comme Firuz Shah Tughluq ou Aurangzeb, ont parfois ordonné des conversions sous la menace ou détruit des temples hindous.
Le devshirme ottoman (XVe–XVIIe s.) : prélèvement de garçons chrétiens des Balkans, convertis à l’islam pour devenir janissaires.
Ces cas sont des exceptions régionales et temporelles. Les historiens s’accordent pour dire que ces politiques ne représentent pas l’approche générale des États islamiques à l’égard des conversions.
« Les épisodes de conversion forcée sont réels mais exceptionnels. Le plus souvent, les conquérants musulmans ont gouverné sans chercher à imposer leur foi. »
— Mark R. Cohen, Under Crescent and Cross, Princeton, 1994
Synthèse : les conquêtes politiques sont différentes de conversions forcées
Oui, l’islam s’est diffusé dans un contexte d’expansion militaire.
Non, cette expansion ne s’est pas accompagnée, en règle générale, de conversions massives sous la contrainte.
La plupart des conversions furent progressives, influencées par des facteurs sociaux, économiques, politiques et parfois spirituels.
Les cas de coercition religieuse sont documentés mais minoritaires, souvent en contradiction avec les principes coraniques.
III. Les vecteurs de diffusion de l’islam
Si les premières conquêtes ont jeté les bases territoriales de l’expansion musulmane, la majorité des conversions à l’islam dans le monde n’ont pas eu lieu par la guerre. Elles ont surtout été le fruit de dynamiques non militaires : commerce, échanges culturels, prédication mystique. Dans de vastes régions — notamment en Afrique subsaharienne, en Asie du Sud-Est ou en Chine — l’islam s’est implanté sans aucune conquête armée. C’est là un fait largement reconnu par les chercheurs contemporains.
3.1. Le commerce et les échanges culturels : des routes de la foi
➤ Un islam voyageur porté par les marchands
Dès le VIIIe siècle, l’islam accompagne les grands axes commerciaux transsahariens, maritimes et terrestres. Les marchands musulmans, souvent des Arabes, Persans ou Berbères, ont circulé depuis le Maghreb jusqu’à la Chine, en passant par l’Afrique de l’Ouest, l’Inde, l’Asie du Sud-Est et l’archipel malais.
L’historien Nehemia Levtzion, spécialiste de l’Afrique de l’Ouest, écrit :
« Ce ne sont ni les soldats ni les juristes qui ont islamisé l’Afrique de l’Ouest, mais les marchands et les lettrés. »
— Islam in West Africa: Religion, Society and Politics, Cambridge University Press, 2000
L’islam n'était pas imposé, mais adopté par les élites locales séduites par le modèle économique, politique et culturel musulman.
➤ Cas emblématiques
Afrique de l’Ouest : Les royaumes du Ghana, du Mali (XIIIe–XIVe s.) et de Songhaï n’ont pas été conquis par les Arabes. Ce sont les rois eux-mêmes qui ont choisi l’islam, souvent pour consolider leur autorité, commercer avec le nord et bénéficier du prestige intellectuel des érudits musulmans (Tombouctou, Djenné). Le pèlerinage du roi Mansa Musa à La Mecque en 1324 est resté célèbre comme un symbole d’un islam africain assumé et rayonnant.
Indonésie : L’islam est arrivé par la mer, via les routes commerciales de l’océan Indien. Les marchands arabes, gujaratis (Inde) et persans y ont établi des comptoirs dès le VIIIe siècle. L’islam devient dominant sans conquête armée. Des petits sultanats côtiers (comme Pasai ou Malacca) adoptent la religion entre le XIIIe et le XVe siècle pour renforcer leur réseau commercial.
« L’islam s’est imposé en Indonésie plus par mariage et commerce que par sabre ou feu. »
— Azyumardi Azra, The Origins of Islamic Reformism in Southeast Asia, Allen & Unwin, 2004
Chine : Des communautés musulmanes sont attestées à Canton et Quanzhou dès le VIIe siècle. Ces « Hui » sont des marchands arabo-persans intégrés au tissu urbain chinois. Aucun conquérant musulman n’a jamais envahi la Chine : l’islam y est un phénomène de diaspora et de sédimentation lente, parfois encouragé par les autorités impériales (Tang, Yuan).
➤ L’islam comme marqueur de respectabilité
Dans de nombreuses sociétés, embrasser l’islam signifiait aussi accéder à des codes moraux, un langage savant (l’arabe), et à des réseaux de confiance commerciaux. Le prestige des marchands musulmans, leur honnêteté, leur respect des contrats ont joué un rôle clé dans l’attrait exercé par leur foi :
« Les marchands musulmans étaient les meilleurs ambassadeurs de l’islam. Leur conduite exemplaire inspirait confiance. »
— Jonathan Bloom & Sheila Blair, Islam: A Thousand Years of Faith and Power, Yale University Press, 2000
3.2. Le rôle des soufis et des missionnaires : la douceur de la foi
➤ Le soufisme : spiritualité incarnée
Le soufisme, dimension mystique de l’islam, a joué un rôle de premier plan dans la propagation de la religion. Les soufis — poètes, maîtres spirituels, guérisseurs, voyageurs — ont souvent précédé les ulémas (juristes) dans les terres éloignées du dar al-islam.
Ils proposaient une voie accessible, émotionnelle, souvent syncrétique de la foi. Leurs enseignements valorisaient l’amour de Dieu, la tolérance et la compassion, ce qui facilitait l’adoption de l’islam par des populations animistes ou hindoues.
« Le soufisme a servi de véhicule à une islamisation pacifique, souvent accommodante envers les croyances locales. »
— Annemarie Schimmel, Mystical Dimensions of Islam, University of North Carolina Press, 1975
➤ Zones d’influence soufie
Afrique de l’Ouest : Les confréries soufies (Qadiriyya, Tijaniyya, Mouridiyya) sont omniprésentes. Elles ont structuré la vie religieuse des musulmans africains du Sénégal au Nigeria, et ont souvent fusionné des pratiques islamiques avec des coutumes locales. Les marabouts (maîtres soufis) jouaient un rôle de médiateur social, guérisseur, enseignant.
Inde : Les grands ordres soufis (Chishtiyya, Suhrawardiyya, Naqshbandiyya) ont contribué à islamiser les masses populaires. Des figures comme Khwaja Moinuddin Chishti à Ajmer ou Nizamuddin Auliya à Delhi étaient vénérées bien au-delà des cercles musulmans. Leurs sanctuaires attiraient aussi des hindous, parfois convertis par admiration.
Asie centrale : Les Naqshbandis ont rayonné de Boukhara jusqu’en Chine. Ils ont formé des lettrés, fondé des khanqahs (loges soufies), et diffusé un islam persanisé, introspectif et austère, dans des sociétés turcophones souvent chamaniques ou bouddhistes.
➤ Conversion par le cœur, non par la loi
À l’opposé d’une conversion imposée par décret ou par la force, la voie soufie privilégiait la transformation intérieure, la persuasion, l’ascétisme et l’émotion. Comme le résume l’historien Marshall Hodgson :
« Les soufis ont gagné plus de terres à l’islam que toutes les armées réunies. »
— Marshall G. S. Hodgson, The Venture of Islam, Vol. II, 1974
Bilan : Une foi transmise sans épée
Dans ces régions — Afrique noire, Asie du Sud-Est, Asie centrale, Chine —, l’islam s’est diffusé sans conquête militaire, sans coercition religieuse, mais par la rencontre humaine, les échanges et l’exemplarité. Il s’agit là de la voie la plus durable et la plus efficace de transmission religieuse, selon les anthropologues.
Comme le note Felix Padel, spécialiste de l’Inde tribale :
« Là où l’islam est arrivé sans armée, il a mis des racines profondes. Là où il est arrivé avec une armée, il a laissé des cicatrices. »
— Sacred and Profane: Identity in South Asia, 2011
IV. Études de cas : diversité des expériences
L’expansion de l’islam à travers le monde ne suit aucun modèle unique. À chaque région ses trajectoires, ses rythmes et ses dynamiques propres. Deux exemples emblématiques — l’Inde et l’Espagne musulmane — illustrent à la fois la diversité des formes d’implantation de l’islam et la complexité des interactions entre pouvoir, société et foi.
4.1. L’Inde : une conversion progressive, pas imposée
➤ 600 ans de pouvoir musulman, mais une société restée majoritairement hindoue
L’islam est entré en Inde au VIIIe siècle, avec la conquête du Sind (actuel Pakistan) par le général Muhammad ibn Qasim (711). Mais sa véritable implantation politique débute avec le Sultanat de Delhi (XIIIe siècle), suivi par l’Empire moghol (XVIe–XVIIIe siècle). Pourtant, malgré plus de 600 ans de domination musulmane sur de vastes parties du sous-continent, l’Inde reste aujourd’hui majoritairement hindoue (plus de 80 % de la population actuelle).
« Si l’islam avait été imposé par la force, il n’y aurait plus de non-musulmans en Inde aujourd’hui. Or, après des siècles de gouvernement musulman, la majorité reste hindoue. »
— Richard Eaton, The Rise of Islam and the Bengal Frontier, 1204–1760, University of California Press, 1993
➤ Rôle central des soufis
L’essentiel de la conversion s’est fait en dehors du champ militaire. Les soufis — en particulier les ordres Chishtiyya et Suhrawardiyya — ont joué un rôle crucial dans la propagation de l’islam auprès des masses. Leur prédication inclusive, leur piété, leur proximité avec les peuples les ont rendus immensément populaires.
« Les soufis offraient une spiritualité universelle, qui séduisait autant les pauvres que les nobles, hindous ou musulmans. »
— Annemarie Schimmel, Islam in the Indian Subcontinent, Brill, 1980
Des sanctuaires comme celui de Khwaja Moinuddin Chishti à Ajmer continuent d’attirer des fidèles de toutes confessions, preuve de leur rayonnement transreligieux.
➤ Des cas de coercition ponctuelle
Il existe toutefois des cas documentés de conversions forcées ou de pressions étatiques :
Le sultan Firuz Shah Tughluq (r. 1351–1388) se vante dans ses mémoires (Futuhat-i-Firuz Shahi) d’avoir converti des milliers d’hindous par la force.
L’empereur Aurangzeb (r. 1658–1707), connu pour son rigorisme, rétablit la jizya sur les hindous, détruisit des temples et exécuta le gourou sikh Tegh Bahadur pour avoir refusé de se convertir.
Cependant, ces cas sont exclusifs à certains dirigeants et condamnés par d’autres musulmans, y compris dans les sources contemporaines.
« Les Moghols, dans leur ensemble, furent plus soucieux de gouverner l’Inde que de la convertir. Akbar, par exemple, abolit la jizya et accueillit toutes les religions à sa cour. »
— Audrey Truschke, Aurangzeb: The Man and the Myth, Stanford University Press, 2017
➤ Une conversion motivée par l’égalité et l’évasion sociale
L’islam offrait également une alternative à la hiérarchie des castes. De nombreux convertis étaient issus des castes inférieures, attirés par l’égalité spirituelle promue par l’islam :
« L’attrait de l’islam pour les populations marginalisées tenait à sa promesse d’égalité et de justice, là où le système des castes les rejetait. »
— Barbara Metcalf & Thomas Metcalf, A Concise History of Modern India, Cambridge, 2006
4.2. L’Espagne musulmane (al-Andalus) : tolérance relative, mais réelle
➤ Une société multi-religieuse brillante
L’Andalousie musulmane (711–1492) est souvent citée comme un modèle de coexistence interreligieuse — certes imparfaite, mais exceptionnelle pour son époque. Sous les Omeyyades de Cordoue (Xe–XIe siècle), musulmans, chrétiens (Mozarabes) et juifs vivaient côte à côte, avec des degrés variés d’intégration.
« Jamais, dans aucune autre région d’Europe au Moyen Âge, les chrétiens et les juifs ne vécurent avec autant de sécurité qu’en al-Andalus. »
— María Rosa Menocal, The Ornament of the World, Little, Brown & Co., 2002
Des penseurs juifs comme Maïmonide ou chrétiens comme Jean de Séville purent écrire et enseigner dans cette société sous domination islamique.
➤ Le cadre légal : la dhimma
Les non-musulmans vivaient sous le statut de dhimmis, avec droits garantis (culte, justice interne) mais aussi devoirs (jizya, restrictions vestimentaires ou sociales). Ce système n’était pas égalitaire, mais il assurait la protection des minorités religieuses, contrairement à la Reconquista chrétienne qui, plus tard, imposa le baptême ou l’expulsion.
« La tolérance d’al-Andalus ne fut jamais absolue, mais elle fut réelle comparée aux pratiques contemporaines des royaumes chrétiens. »
— Dario Fernández-Morera, The Myth of the Andalusian Paradise, ISI Books, 2016
➤ Des épisodes de violence existent
Il serait faux de romantiser complètement al-Andalus. Sous les Almohades (XIIe siècle), dynastie rigoriste, les juifs et chrétiens furent forcés à se convertir, à fuir ou à mourir. Ces cas sont documentés dans les chroniques chrétiennes et musulmanes.
Mais ces épisodes restent marginaux par rapport à la longue période de coexistence qui les précède et les suit. À Cordoue, Tolède ou Grenade, des bibliothèques, des académies et des écoles islamiques, juives et chrétiennes ont prospéré pendant des siècles.
Bilan : des modèles contrastés mais convergents
En Inde, l’islam s’est diffusé principalement par le bas : soufis, castes inférieures, spiritualité accessible.
En Espagne, il s’est maintenu par le haut : État fort, organisation sociale pluraliste, rayonnement culturel.
Dans les deux cas, les conversions forcées ont existé, mais elles sont restées ponctuelles et dénoncées.
Le plus souvent, la diffusion de l’islam a été liée à l’admiration, l’intérêt social, ou une quête spirituelle sincère, plutôt qu’à la coercition.
V. Perspectives académiques : consensus et débats
La question de savoir si l’islam s’est « propagé par l’épée » a suscité de vives controverses, aussi bien dans les sphères politiques que dans le champ académique. Pourtant, à mesure que les recherches historiques se sont affinées, un consensus s’est dessiné chez les historiens et spécialistes des religions : si l’expansion territoriale de l’islam fut souvent militaire, la conversion des populations, elle, ne s’est pas imposée par la force dans la majorité des cas.
V.1. Un consensus historique sur la non-coercition
➤ Un mythe forgé par la polémique médiévale et coloniale
La représentation d’un islam violent, expansionniste, convertissant par la force s’est largement diffusée à partir du Moyen Âge latin (croisades), puis fut amplifiée à l’époque coloniale pour justifier la supériorité supposée du christianisme européen sur l’islam « fanatique ».
Mais ce stéréotype ne résiste pas à l’analyse des sources primaires et à la lecture croisée des chroniques chrétiennes, musulmanes et juives de l’époque.
« L’idée de musulmans fanatiques imposant leur foi par l’épée est un des mythes historiques les plus absurdes, sans fondement sérieux dans les faits. »
— De Lacy O’Leary, Islam at the Crossroads, 1923
➤ Une expansion politique, pas missionnaire
De nombreux chercheurs soulignent que les conquêtes musulmanes, si elles furent rapides et étendues, n’avaient pas pour but premier la conversion religieuse, mais la consolidation d’un empire. Ainsi :
« Les califes avaient besoin de percevoir l’impôt des non-musulmans. Une conversion massive les aurait privés d’une ressource majeure. »
— Hugh Kennedy, The Great Arab Conquests, Da Capo Press, 2007
« Les premiers musulmans n’étaient pas des missionnaires prosélytes. Leur objectif était de gouverner, pas d’évangéliser. »
— Ira M. Lapidus, A History of Islamic Societies, Cambridge University Press, 2002
Même Montgomery Watt, connu pour son approche critique, écrit :
« Il n’y a aucun cas avéré où des populations entières auraient été contraintes à la conversion par les premiers califes. »
— W. M. Watt, Muhammad: Prophet and Statesman, Oxford University Press, 1961
Ce consensus traverse les tendances idéologiques. Il est partagé par des institutions musulmanes (ex. : Yaqeen Institute, Islamonweb, WhyIslam), mais aussi par des chercheurs laïques ou chrétiens.
➤ Nuance de Kennedy : l’épée comme vecteur politique, pas théologique
Hugh Kennedy résume subtilement :
« L’islam n’a pas été propagé par l’épée, mais sans l’épée, il ne se serait pas propagé. »
— Yale Religious Studies Conference, 2006
Autrement dit, la conquête a ouvert des voies politiques et géographiques, mais la foi s’est enracinée par d’autres moyens : enseignement, commerce, institutions locales.
V.2. Des exceptions notables : contrainte locale, débats éthiques
➤ Les cas documentés de coercition
S’il est historiquement faux de dire que l’islam s’est « imposé par la force », il serait tout aussi erroné de nier les cas ponctuels de coercition religieuse :
Devshirme ottoman : de jeunes garçons chrétiens des Balkans étaient prélevés (XVe–XVIIe siècle), convertis à l’islam, et formés pour servir dans les rangs des janissaires ou de l’administration impériale. Si certains ont accédé à de hautes fonctions, leur conversion initiale était contraire à leur volonté.
« Le système du devshirme fut une exception institutionnelle de coercition religieuse, bien que son objectif ait été politique et administratif plus que religieux. »
— Caroline Finkel, Osman's Dream, Basic Books, 2005
Almohades (XIIe siècle) : en Espagne et au Maghreb, cette dynastie rigoriste supprima la dhimma et exigea des conversions forcées. Cela poussa de nombreuses familles juives à l’exil, comme celle de Maïmonide.
« Les Almohades imposèrent l’islam comme seule religion tolérée, ce qui marqua une rupture brutale avec la relative tolérance des siècles précédents. »
— Mark R. Cohen, Under Crescent and Cross, Princeton University Press, 1994
Certains sultans indiens (ex. : Firuz Shah Tughluq, Aurangzeb) ont utilisé des moyens coercitifs pour favoriser l’islam dans leurs territoires — souvent pour des raisons politiques, fiscales ou de contrôle social, plus que par zèle théologique.
➤ Des pratiques critiquées par les penseurs musulmans eux-mêmes
Il est fondamental de noter que ces cas ont souvent été condamnés par les oulémas et juristes musulmans :
Le Coran affirme : « Nulle contrainte en religion. » (2:256)
Le Prophète Muhammad a interdit de forcer les gens à croire (cf. Sahih Muslim, Hadith 1767)
Des juristes classiques, comme Abu Yusuf ou Ibn Qudama, affirmaient qu’une conversion imposée n’est pas valide en droit islamique.
« La conversion n’est valable que si elle est libre, sincère et accompagnée d’une intention pure (niyya). »
— Al-Ghazali, Ihya ‘Ulum al-Din, XIe siècle
« Il est haram (illicite) de contraindre un non-musulman à se convertir. Dieu n’accepte pas la foi extorquée. »
— Al-Nawawi, Sharh Sahih Muslim
Conclusion intermédiaire : histoire, morale, et méthode
L’examen des sources historiques, juridiques et théologiques permet de distinguer deux choses :
L’expansion militaire de l’islam : réelle, souvent rapide, mais motivée par des objectifs stratégiques et politiques.
La conversion religieuse des peuples : majoritairement pacifique, volontaire ou sociale, rarement coercitive, et lorsqu’elle l’était, souvent dénoncée par les autorités religieuses elles-mêmes.
En somme, la majorité des musulmans à travers l’Histoire ne sont pas devenus musulmans au bout d’une épée, mais à travers un long processus d’acculturation, de spiritualité, ou d’opportunités sociales.
VI. Conversions modernes : l’islam sans épée, par la quête de sens
À l’ère contemporaine, les conversions à l’islam ne sont plus encadrées par des empires, ni impulsées par des conquêtes. Elles relèvent presque exclusivement de démarches personnelles. Et pourtant, l’islam continue de gagner des fidèles à travers le monde, notamment en Europe, en Amérique du Nord et en Amérique latine. Ces phénomènes interrogent : pourquoi choisit-on librement l’islam aujourd’hui, parfois en rupture avec son environnement familial ou culturel ?
VI.1. L’islam intellectuel et universel : un moteur de conversion
➤ Une quête de cohérence et de spiritualité structurée
De nombreux convertis citent dans leurs témoignages l’attrait pour la cohérence intellectuelle et éthique de l’islam :
Son monothéisme strict (tawhid),
Son insistance sur la justice sociale,
L’équilibre entre raison et foi, entre spiritualité et discipline quotidienne.
Des penseurs occidentaux convertis, comme Roger Garaudy (philosophe français), ou Jeffrey Lang (mathématicien américain), ont mis en avant la dimension rationnelle du Coran, sa capacité à répondre aux angoisses contemporaines, et son appel à la responsabilité individuelle.
« J’ai trouvé dans l’islam un Dieu qui invite à la réflexion, pas à l’obéissance aveugle. »
— Jeffrey Lang, Struggling to Surrender, 1994
➤ Une religion qui résiste à la sécularisation
Dans un monde désacralisé, l’islam propose une vision holistique de la vie — où spiritualité, éthique, communauté et quotidien sont liés. Cela séduit certains chercheurs de sens.
« Beaucoup de convertis occidentaux disent avoir trouvé dans l’islam une cohérence que le monde moderne avait perdue. »
— Jocelyne Cesari, Why the West Fears Islam, Palgrave Macmillan, 2013
VI.2. Des profils variés, des motivations multiples
➤ Qui sont les convertis aujourd’hui ?
Les études sociologiques en Europe et en Amérique du Nord montrent que les convertis à l’islam sont très divers :
Hommes et femmes (avec une majorité de femmes dans plusieurs pays),
Blancs, noirs, asiatiques, latinos,
Souvent jeunes (20–35 ans),
Parfois d’anciens chrétiens, athées ou « spirituels sans religion ».
En France, on estime à environ 100 000 à 150 000 le nombre de convertis musulmans, dont 2/3 sont des femmes (INSEE, données croisées avec Pew Research, 2020).
➤ Pourquoi se convertissent-ils ?
Les motifs sont multiples :
Rencontre avec un(e) musulman(e) (fréquent dans les mariages mixtes),
Quête spirituelle personnelle
Expérience de justice ou de révolte sociale (notamment chez les Afro-descendants aux États-Unis),
Lecture du Coran ou expérience de voyage (ex : pèlerinage touristique ou humanitaire).
« Le Coran m’a semblé être un texte d’une puissance rare, ni folklorique, ni poétique, mais dense, exigeant, interpellant ma conscience. »
— Abd al-Haqq Guiderdoni, astrophysicien, converti français
VI.3. L’essor discret de l’islam en Amérique latine, Europe et Asie
➤ En Amérique latine
Bien que marginal en proportion, l’islam connaît une croissance notable dans des pays comme le Mexique, le Brésil, l’Argentine et le Venezuela, où des milliers de personnes — souvent issues des classes populaires ou des peuples indigènes — embrassent l’islam.
L’anthropologue Gaspar Morquecho documente ainsi la conversion de plusieurs centaines de Mayas tzotziles dans le Chiapas (Mexique), séduits par l’ordre moral de l’islam et la solidarité communautaire qu’il permet.
« L’islam est perçu comme une alternative au capitalisme destructeur et au vide spirituel laissé par l’Église. »
— Gaspar Morquecho, Los musulmanes en los Altos de Chiapas, 2010
➤ En Europe
En France, Allemagne, Royaume-Uni, le phénomène reste minoritaire mais visible. Il est parfois politisé (débat sur l’“identité”), mais dans la majorité des cas, les conversions se font dans l’intimité, souvent au prix d’une rupture familiale ou sociale douloureuse.
Le sociologue Raphaël Liogier parle d’un islam « choisi » et « individualisé », loin de toute contrainte :
« Contrairement au stéréotype, le converti en Europe est souvent un autodidacte, qui a longuement réfléchi, comparé, et revendique son choix comme un acte d’émancipation. »
— Le mythe de l’islamisation, 2012
➤ En Afrique et Asie du Sud
Des minorités tribales (animistes ou chrétiennes) en Ouganda, Philippines, Papouasie-Nouvelle-Guinée, ou même Thaïlande ou Corée du Sud, découvrent l’islam via des ONG, Internet, ou des prêcheurs locaux. La conversion n’est pas massive, mais elle continue à se produire sans aucune coercition, dans des zones jusque-là peu concernées.
VI.4. Le rôle d’Internet, des réseaux sociaux et des débats publics
Les conversions modernes à l’islam sont aussi le fruit de la mondialisation religieuse numérique. Le Web, YouTube, les réseaux sociaux et les podcasts permettent :
D’écouter des prêcheurs musulmans internationaux (Nouman Ali Khan, Hamza Yusuf, etc.),
De débattre librement en ligne,
D’accéder à des traductions du Coran ou à des témoignages de convertis,
De rejoindre des groupes de soutien ou de formation islamique à distance.
Cette “islamisation connectée” se fait souvent sans aucun contact physique avec une communauté musulmane. Elle est volontaire, autonome, et souvent intellectuelle.
Synthèse : l’islam moderne, une foi adoptée et non imposée
Jamais dans l’Histoire l’islam n’a connu autant de conversions individuelles volontaires qu’aujourd’hui — et jamais avec aussi peu de structures de pouvoir pour les initier.
Ces conversions se fondent sur une expérience intérieure, souvent intellectuelle, parfois affective, ou même militante.
Elles montrent que l’islam ne dépend ni d’un empire ni d’une armée pour séduire : son message continue de parler à des personnes, dans leur pluralité, à travers le monde.
Conclusion générale
La question « L’islam s’est-il répandu par l’épée ? » semble, à première vue, inviter à une réponse tranchée. Mais comme nous l’avons vu tout au long de cet article, la réalité historique est plus complexe, nuancée, et contrastée que ce que les clichés laissent entendre.
Oui, des armées musulmanes ont conquis de vastes territoires dans les décennies suivant la mort du Prophète Muhammad (ﷺ). Oui, des pouvoirs musulmans ont exercé une domination politique, parfois avec vigueur, parfois avec pragmatisme. Et oui, des épisodes ponctuels de conversion forcée ont existé dans certaines dynasties ou contextes (Almohades, devshirme ottoman, certains souverains indiens). Cela fait partie de l’histoire, et doit être reconnu comme tel.
Mais non, l’idée que l’islam se serait imposé « par le sang et l’épée » de manière systématique, générale est un mythe historique — construit par les croisades, renforcé par les orientalistes du XIXe siècle, et encore véhiculé aujourd’hui par des discours idéologiques ou médiatiques mal informés.
Les faits établis par les travaux d’historiens comme Richard Bulliet, Hugh Kennedy, Ira Lapidus, De Lacy O’Leary, Marshall Hodgson ou Jocelyne Cesari montrent que :
La plupart des conversions à l’islam à travers l’histoire ont été volontaires, progressives et non coercitives.
Dans de nombreuses régions (Afrique, Asie du Sud-Est, Asie centrale, Chine, Europe balkanique), aucune conquête militaire n’a précédé l’islamisation.
L’islam s’est surtout diffusé par le commerce, les échanges culturels, la prédication mystique (soufie), les élites locales converties, et la recherche d’un meilleur statut social.
Même dans les terres conquises militairement, la population est restée non musulmane pendant plusieurs siècles. L’intérêt de l’État musulman pour les impôts des dhimmis, la tolérance relative des premiers califes et le respect coranique de la (Traduction approximative du verset Al Baqara 2:256) « nulle contrainte en religion » ont freiné toute tentative de conversion forcée systématique.
Aujourd’hui, l’islam continue de gagner des fidèles à travers le monde, sans pouvoir politique ni conquête militaire. Ce sont l’intellect, la quête de sens, la spiritualité structurée, ou l’émancipation personnelle qui expliquent l’attrait moderne pour cette foi. Des milliers de convertis le confirment : l’islam n’est pas venu à eux par l’épée, mais par le livre, la réflexion, ou la rencontre.
« La foi ne s’impose pas par le sabre, elle se propose par l’exemple. »
— (paraphrase libre de Hassam Munir, Yaqeen Institute)
En définitive…
Il faut donc dépasser les caricatures : l’histoire de l’expansion de l’islam, comme toute histoire religieuse ou impériale, est faite de conquêtes, mais aussi de poésie, de commerce, d’amour, de sagesse et de dialogues. Elle est humaine, avec ses ombres et ses lumières.
Soutenir que l’islam s’est imposé par l’épée, c’est faire injure à la mémoire des millions de croyants sincères qui, à travers les siècles et les continents, ont choisi cette voie non par peur, mais par conviction, espérance ou spiritualité.
Et c’est là, peut-être, que réside le vrai miracle de son expansion : dans la liberté d’y entrer — ou de ne pas y entrer — pleinement.
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