Les prophètes communs aux 3 traditions monothéistes

1. Abraham, père du judaïsme et christiannisme, grand prophète islamique.

Abraham, ou Avraham en hébreu, Ibrāhīm en arabe, est souvent présenté comme le “père des croyants” dans les trois traditions abrahamiques : le judaïsme, le christianisme et l’islam.

Mais il est aussi, et peut-être surtout, le point de départ d’un récit commun, d’un imaginaire spirituel partagé, où l’on retrouve :

  • la foi sans preuve,

  • l’épreuve vécue comme rite,

  • la transmission d’une promesse.

C’est cette dimension narrative et transversale qui rend Abraham si précieux : il ne divise pas d’abord par les dogmes, il relie par les histoires.

2. Adam et Ève : une même origine, trois lectures

La création d’Adam et Ève est présente dans les trois textes fondateurs.

  • Dans la Genèse : Dieu façonne Adam à partir de la poussière, puis Ève à partir d’une de ses côtes. Tous deux mangent du fruit interdit, découvrent leur nudité, et sont expulsés du jardin d’Éden.

  • Dans le Coran : Adam est créé “de terre”, puis reçoit le souffle divin (38:71–72). Il est aussi tenté, chute, mais est pardonné après avoir reconnu sa faute. Il est le premier prophète de l'islam.

La chute, dans les textes islamiques, n’est ni héritée ni transmissible :
Il n’y a pas de péché originel, mais une responsabilité personnelle, et un Dieu qui accueille le retour de la créature.

Ces récits fondent une même idée :
L’Humanité vient de Dieu, chute, mais reste digne.
Et déjà ici, les trois traditions posent la conscience, le pardon et la liberté au centre.

3. Noé / Nūḥ : le prophète du déluge et de la persévérance

Noé, ou Nūḥ en arabe, est une autre figure universellement reconnue par les trois Traditions.
Son récit évoque le cataclysme, le salut, et le redémarrage de l’humanité.

  • Dans la Genèse, Noé est le seul juste dans un monde corrompu. Dieu l’instruit de construire une arche, pour sauver sa famille et un couple de chaque espèce. Le déluge efface, l’arche préserve, l’arc-en-ciel promet.

  • Dans le Coran, Noé est un prophète persécuté par son peuple. Il les appelle sans relâche à l’unicité divine. L’arche est construite malgré les moqueries, et ceux qui n’y montent pas périssent (Coran 11:36–49 ; 71:1–28).

“Il construisait l’arche. Chaque fois que des notables passaient près de lui, ils se moquaient de lui.”Coran 11:38

Dans les trois cas, Noé symbolise l’obéissance face à l’incompréhension, et la fidélité dans la tempête.

C’est une figure de résistance morale, plus que de pouvoir.

4. Moïse / Mūsā : le plus cité du Coran, central partout

Moïse (hébreu : Moshé ; arabe : Mūsā) est omniprésent dans la mémoire religieuse des trois monothéismes :

  • Il est législateur du peuple juif, destinataire de la Torah,

  • Il est vu par les chrétiens comme préfigurant le Christ, porteur de la Loi que Jésus accomplit,

  • Il est le prophète le plus mentionné dans le Coran — près de 130 fois.

Son récit est très développé dans toutes les traditions :

  • Sauvé des eaux,

  • Formé à la cour du Pharaon,

  • Libérateur des Hébreux,

  • Guide du désert,

  • Récepteur des Tables de la Loi.

Moïse, dans les trois traditions, incarne :

  • la libération face à la tyrannie,

  • la médiation entre Dieu et les hommes,

  • et la difficulté de guider un peuple dans l’épreuve.

5. Joseph / Yūsuf : la beauté, la sagesse, la réconciliation

Joseph (Yosef / Yūsuf) est une figure particulièrement précieuse :
c’est l’un des rares récits quasiment parallèles dans les trois traditions.

  • Dans la Genèse, Joseph est vendu par ses frères, emmené en Égypte, faussement accusé, emprisonné, puis élevé à la cour du Pharaon pour sa sagesse. Il pardonne à ses frères et les sauve de la famine.

  • Dans le Coran, la sourate 12 lui est entièrement dédiée.
    Le récit est détaillé, fidèle dans les grandes lignes, et s’achève sur la réconciliation.

Joseph incarne :

  • la résilience face à l’injustice,

  • la lucidité face à la tentation,

  • la grâce du pardon offert à ceux qui ont trahi.

C’est une parabole de paix familiale, de sagesse politique, et de lumière dans l’exil — qui résonne dans les trois cultures.

6. D'autres prophètes communs

Au-delà des grandes figures centrales comme Abraham, Moïse, Noé, Joseph, les trois traditions monothéistes reconnaissent de nombreux autres prophètes communs, parfois avec des noms et des récits presque identiques, parfois avec des variations importantes.

Voici quelques exemples notables :

  • Aaron / Hārūn : frère et assistant de Moïse, porte-parole dans la Torah et le Coran.
    → Dans l’islam, Aaron est un prophète indépendant, non fautif dans l’épisode du veau d’or (contrairement à certaines lectures juives et chrétiennes).

  • David / Dāwūd : roi d’Israël, auteur des Psaumes de David (Zabūr en islam).
    → Dans le Coran, il est roi et prophète, homme de justice et de sagesse, dont la voix charme la création.

  • Salomon / Sulaymān : fils de David, célèbre pour sa sagesse.
    → Dans la Bible et le Coran, il gouverne avec équité. Dans le Coran, il parle aux animaux et commande aux djinns — un développement original du texte biblique.

  • Élie / Ilyās : prophète du Nord d’Israël, défenseur du monothéisme.
    → Mentionné dans le Coran comme un homme de foi pure.

  • Élisée / al-Yasaʿ : successeur d’Élie, discret dans les textes coraniques mais présent.

  • Jonas / Yūnus : fuyant sa mission, avalé par le grand poisson, puis pardonné.
    → Figure du prophète faillible mais sincère.

  • Job / Ayyūb : incarnation de la patience dans l’épreuve.
    → Dans la Bible comme dans le Coran, il subit tout sans renier Dieu.

  • Zacharie / Zakariyyā : père de Jean-Baptiste.
    → Dans l’Évangile, il est prêtre. Dans le Coran, il prie pour un enfant malgré la vieillesse, et Dieu lui accorde Yahyā (Jean-Baptiste).

  • Jean-Baptiste / Yahyā : reconnu dans le christianisme comme précurseur de Jésus.
    → Dans le Coran, il est prophète, pur, doux, compatissant, et premier à confirmer la mission de Jésus.


Certains personnages présents dans la Bible n’apparaissent pas dans le Coran, et inversement.
Mais le Coran affirme explicitement que “certains prophètes ne sont pas nommés” (Coran 4:164 ; 40:78), ce qui laisse la porte ouverte à d’autres figures connues des traditions antérieures.

Ainsi, les récits ne sont pas identiques, mais ils se répondent, se croisent, se complètent parfois.
Ils témoignent d’une mémoire commune, et d’une volonté profonde de transmettre la justice, la foi, l’exemple moral à travers ces personnages.