Différentes républiques laïques, qui protègent les cultes (sans les reconnaitre)

1. La laïcité : pas la négation de la religion, mais sa garantie politique

Dans les républiques laïcs modernes, la laïcité ne signifie ni guerre contre Dieu, ni religion d’État.

Elle signifie :

  • une neutralité,

  • un cadre égalitaire entre toutes les confessions,

  • et une protection juridique du droit de croire (ou pas).

La République ne prie pas, mais elle protège ceux qui veulent prier.

2. Le cas français : la loi de 1905 comme bouclier pour tous les cultes

En France, la loi du 9 décembre 1905 :

  • sépare les Églises et l’État,

  • mais garantit le libre exercice du culte.

  • garantit le libre exercice du culte,

  • autorise les communes à entretenir les lieux de culte construits avant 1905 (églises, cathédrales),

  • et autorise, sans subvention directe, des aides pour sécuriser ou restaurer les lieux de culte.

Depuis, l’État :

  • protège les lieux de culte (sécurité, rénovations classées, aides locales indirectes),

  • reconnaît le rôle des associations cultuelles dans la société civile,

  • et défend les minorités religieuses (musulmanes, juives, protestantes, orthodoxes, bouddhistes...).

Exemple :

  • Des gendarmes protègent les synagogues, mosquées et églises ciblées par des menaces terroristes.

  • La République soutient le dialogue interreligieux, via des instances consultatives (CFCM, Grand Rabbinat, Fédération protestante...).

  • La République mobilise des policiers, des militaires, pour protéger les lieux pendant les grandes fêtes (Ramadan, Pessah, Noël…).

  • Les collectivités financent des rénovations de toitures, d’accès publics, de systèmes d’alarme, pour les églises comme pour les mosquées.

3. En Belgique : un financement public assumé des cultes reconnus

La Belgique est une république laïque, mais elle reconnaît officiellement 6 cultes, et assume leur financement :

  • salaires des ministres du culte,

  • entretien des bâtiments religieux,

  • participation à la restauration des édifices classés.


Résultat :
Les synagogues d’Anvers, les mosquées de Bruxelles, les temples protestants des Ardennes sont protégés par l’État… au nom de l’égalité.

4. En Suisse : des cantons financent la conservation des lieux sacrés

La Suisse n’a pas de religion d’État, mais la plupart des cantons ont des accords entre État et Églises pour :

  • préserver le patrimoine religieux,

  • soutenir les rénovations,

  • et protéger les lieux sensibles (synagogues, églises évangéliques, mosquées reconnues).


Dans certains cantons, les centres religieux reçoivent un appui logistique en cas de menace sécuritaire.

5. L’Inde : une république laïque dans un océan religieux

La Constitution de l’Inde (1950) établit un État séculariste, c’est-à-dire non confessionnel, mais respectueux de toutes les confessions :

  • Hindous, musulmans, chrétiens, sikhs, jaïns, bouddhistes, zoroastriens, etc.

Malgré de fortes tensions communautaires, la Constitution indienne impose à l’État de :

  • protéger les édifices religieux, quels qu’ils soient,

  • punir les atteintes (vandalisme, incitation à la haine, etc.),

  • et financer les réparations en cas de violences collectives.

  • garantit les jours fériés pluriconfessionnels,

  • finance certains pèlerinages (hajj, yatras) à titre d’équité,

  • protège juridiquement les minorités religieuses, malgré les tensions récentes.

  • La Cour suprême de l’Inde a défendu des mosquées et des églises contre des démolitions communautaires,

  • des lois spéciales protègent les minorités dans les régions sensibles (Cachemire, Assam).


6. La Turquie républicaine (avant Erdogan) : une laïcité turque protectrice

Mustafa Kemal Atatürk fonde une république laïque en 1923.
Malgré son autoritarisme, la laïcité turque a :

  • supprimé l’islam d’État,

  • garanti la liberté de culte privée,

  • permis aux minorités chrétiennes et juives de conserver leurs écoles, hôpitaux et lieux de culte.

Exemple :

  • Les églises arméniennes et grecques orthodoxes ont continué à fonctionner sous le contrôle, mais aussi la protection de l’État.

  • Les synagogues séfarades d’Istanbul sont toujours actives, parfois sous surveillance policière renforcée.

7. Les États-Unis : un État sans religion… mais une société très croyante

La Constitution américaine interdit toute religion d’État (Premier Amendement) :

“Le Congrès ne fera aucune loi qui touche l’établissement d’une religion, ou qui interdise le libre exercice de celle-ci.”

Résultat :

  • Aucun culte n’est reconnu officiellement,

  • Mais tous les cultes sont protégés par le droit,

  • Et la vie religieuse y est extrêmement vivante.

Exemple :

  • Les tribunaux américains ont souvent protégé le port du voile, du turban, de la croix dans l’espace public,

  • La liberté religieuse y est l’une des plus solides au monde — y compris pour les minorités.

Le First Amendment garantit le libre exercice de la religion. Cela signifie :

  • que toute atteinte à un lieu de culte est un crime fédéral,

  • que les autorités locales protègent systématiquement les églises, synagogues, mosquées menacées,

  • que des lieux de culte minoritaires peuvent demander des mesures de sécurité renforcées (notamment après des fusillades).


    8. Ce qu’en disent les chercheurs contemporains

  • Jean Baubérot :

    “La laïcité n’est pas une politique d’effacement, mais une politique d’équité : elle protège les religions en les traitant comme des libertés privées, pas comme des pouvoirs.”

  • Rajeev Bhargava (Inde) :

    “La sécularité indienne garantit le pluralisme non par neutralité froide, mais par une attention concrète à chaque tradition.”

  • Charles Taylor :

    “L’idéal laïque, c’est de créer un espace où toutes les convictions peuvent coexister, sans se craindre, ni se dominer.”

Conclusion : une main neutre, mais tendue

Quand la République est vraiment laïque, elle :

  • n’impose aucune religion,

  • n’impose aucun athéisme,

  • mais protège toutes les consciences.

Ce n’est pas une neutralité vide.
C’est une neutralité engagée, protectrice, pacificatrice.

Parce qu’un État laïque bien construit, est une main qui ne bénit personne — mais qui garantit que personne ne sera frappé.